Ce matin en classe c'était la séance de lecture ,Un récit de Med Khaïr Eddine ,intitulé "Il était une fois un vieux couple heureux".
Un très beau texte ,par ailleurs ,qui raconte une histoire parsemée d'évènement historiques de portraits savamment esquissés ,mais aussi beaucoup de mots en Tamazight ,et en Arabe ,de commentaires ,de réflexion sociologiques et politiques qui méritent une étude plus approfondie pour en percevoir toutes les richesses .
Les élèves réagissent différemment bien sûr à cette histoire ,mais on peut noter un certain enthousiasme pour lire ce récit malgré la difficulté de la compréhension en raison d'une déficience en lexique et en structures grammaticales phrastiques .Cependant si l'on laisse à l'élève le choix ,il choisit rarement de se jeter à l'eau et de lire le texte ,alors j'ai recours systématiquement à la lecture quasiment obligatoire par un choix aléatoire des numéros qui vont procéder à la lecture .L'appel par numéro accentue le caractère hasardeux du choix ,tout en gardant toute distance avec l'élève désigné et oblige l'apprenant à demeurer sur le qui-vive et à suivre du doigt la ligne lue par son condisciple ,pour ne pas rester bouche bée à sa recherche si son numéro était sélectionné .
Cette technique permet aussi de découvrir les imperfections ,les balbutiements,et les incapacités aussi .Ce fut le cas d'un élève qui resta muet à l'appel de son numéro.Je fis d'abord semblant de ne pas me rendre compte de la chose et ne m'empressai pas de lui rappeler de lire .Mais après ce silence qui a du durer pour lui une éternité et qui résume laconiquement le malaise de l'enseignement marocain ,je dus me rendre à l'évidence:Cet élève lambda ,qui va passer son bac dans environ deux mois ,ne sait pas lire une triste phrase de ce texte que les responsables en haut lieu lui ont programmé pour cette année de fin de cursus secondaire !
Je ne parle pas du texte en lui même ,dont la valeur littéraire est indiscutable ,mais de ces stratèges de l'enseignement qui en toute méconnaissance de la réalité de l'élève marocain ,de son évolution à travers les différents cycles ;obnubilés par les rapports ,encore une fois "gonflés" ,des différentes administrations intermédiaires ,ont décidé de le mettre au programme pour les terminales ,toutes branches confondues .C'est un texte qui pourrait être enseigné à l'université ,mais certainement pas en deuxième année secondaire qualifiant ,de même d'ailleurs que les autres oeuvres.Le fait qu'il présente un réfèrent sociolinguistique familier ne milite en rien en faveur de ce choix ,du moment que c'est la langue française qui est interrogée et pas les mots à connotations du terroir dont les élèves ne saisissent pas la dimension identitaire et se pâment à la lecture de "talluqit" ou de "lalla iezza tasemlalet ".
Revenons maintenant à mon élève ,qui a pu esquiver tous les barrages qui auraient dû l'arrêter depuis au moins sept ans ,si l'on compte les années collégiales et secondaires.Bien sûr non pas l'arrêter pour le mettre précocement à la rue ,mais le considérer comme inapte à suivre le cours de CE1 jusqu’à ce qu'il apprenne d'abord à déchiffrer les lettres pour en former des mots .voilà que le pauvre est "poussé" par les consignes de la fameuse carte scolaire et se retrouve ,sans trop comprendre lui même comment ,face à l'indéchiffrable texte de Khair Eddine ,avec ses "arachnides " ses "autochtones " ses "thym" ,ses "myriapodes",sans oublier "ostentatoires" qui le regardent de leurs yeux à assonances "barbares" qu'il ne pourrait jamais lire et encore moins comprendre .
Bien sûr je ne l'ai pas forcé à lire ,la honte ressentie par cet élève de ne pas pouvoir lire devant ses congénères est déjà un supplice inhumain que subit ce garçon ,parce-que son pays ne lui a pas donné la chance de se découvrir et de s'améliorer.Et puis je n'ai jamais été de nature à humilier mes élèves sauf par une inadvertance dont je m'excuse souvent sur le champs .
Son silence est un cri dans la nuit de l'ignorance contre toute personne qui aurait contribué de près ou de loin à l' y maintenir ,la tête bien enfoncée ,pour en faire ,au mieux de la chair à canon et au pire ,un de ces innombrables jeunes désœuvrés ,qui n'ont même pas le diplôme nécessaire pour manifester devant le parlement .Mais cela va sans dire que le fait d'insister sur l'institution scolaire ,il n'en demeure pas moins évident que ce garçon a une part de responsabilité dans cet handicap face à un texte écrit.C'est pourquoi d'ailleurs le niveau du style de l'auteur n'a qu'une importance moindre du moment que l'élève en question n'aurait pas pu ,non plus lire un texte quelconque .Cette marge de responsabilité est difficilement délimitable d'autant plus que les facteurs qui interviennent sont multiples .
J'ai pendant cette séance ,et devant le silence continu de mon élève ,puis de crainte que ce handicap ne provoque les moqueries des dernières rangées toujours prêtes à saisir l'occasion de s'esclaffer ,j'ai vite tiré un nouveau numéro et l'ai lancé ,mais qu'elle ne fut ma surprise lorsque le second interpellé demeura aussi silencieux que le premier ( suivre )
Un très beau texte ,par ailleurs ,qui raconte une histoire parsemée d'évènement historiques de portraits savamment esquissés ,mais aussi beaucoup de mots en Tamazight ,et en Arabe ,de commentaires ,de réflexion sociologiques et politiques qui méritent une étude plus approfondie pour en percevoir toutes les richesses .
Les élèves réagissent différemment bien sûr à cette histoire ,mais on peut noter un certain enthousiasme pour lire ce récit malgré la difficulté de la compréhension en raison d'une déficience en lexique et en structures grammaticales phrastiques .Cependant si l'on laisse à l'élève le choix ,il choisit rarement de se jeter à l'eau et de lire le texte ,alors j'ai recours systématiquement à la lecture quasiment obligatoire par un choix aléatoire des numéros qui vont procéder à la lecture .L'appel par numéro accentue le caractère hasardeux du choix ,tout en gardant toute distance avec l'élève désigné et oblige l'apprenant à demeurer sur le qui-vive et à suivre du doigt la ligne lue par son condisciple ,pour ne pas rester bouche bée à sa recherche si son numéro était sélectionné .
Cette technique permet aussi de découvrir les imperfections ,les balbutiements,et les incapacités aussi .Ce fut le cas d'un élève qui resta muet à l'appel de son numéro.Je fis d'abord semblant de ne pas me rendre compte de la chose et ne m'empressai pas de lui rappeler de lire .Mais après ce silence qui a du durer pour lui une éternité et qui résume laconiquement le malaise de l'enseignement marocain ,je dus me rendre à l'évidence:Cet élève lambda ,qui va passer son bac dans environ deux mois ,ne sait pas lire une triste phrase de ce texte que les responsables en haut lieu lui ont programmé pour cette année de fin de cursus secondaire !
Je ne parle pas du texte en lui même ,dont la valeur littéraire est indiscutable ,mais de ces stratèges de l'enseignement qui en toute méconnaissance de la réalité de l'élève marocain ,de son évolution à travers les différents cycles ;obnubilés par les rapports ,encore une fois "gonflés" ,des différentes administrations intermédiaires ,ont décidé de le mettre au programme pour les terminales ,toutes branches confondues .C'est un texte qui pourrait être enseigné à l'université ,mais certainement pas en deuxième année secondaire qualifiant ,de même d'ailleurs que les autres oeuvres.Le fait qu'il présente un réfèrent sociolinguistique familier ne milite en rien en faveur de ce choix ,du moment que c'est la langue française qui est interrogée et pas les mots à connotations du terroir dont les élèves ne saisissent pas la dimension identitaire et se pâment à la lecture de "talluqit" ou de "lalla iezza tasemlalet ".
Revenons maintenant à mon élève ,qui a pu esquiver tous les barrages qui auraient dû l'arrêter depuis au moins sept ans ,si l'on compte les années collégiales et secondaires.Bien sûr non pas l'arrêter pour le mettre précocement à la rue ,mais le considérer comme inapte à suivre le cours de CE1 jusqu’à ce qu'il apprenne d'abord à déchiffrer les lettres pour en former des mots .voilà que le pauvre est "poussé" par les consignes de la fameuse carte scolaire et se retrouve ,sans trop comprendre lui même comment ,face à l'indéchiffrable texte de Khair Eddine ,avec ses "arachnides " ses "autochtones " ses "thym" ,ses "myriapodes",sans oublier "ostentatoires" qui le regardent de leurs yeux à assonances "barbares" qu'il ne pourrait jamais lire et encore moins comprendre .
Bien sûr je ne l'ai pas forcé à lire ,la honte ressentie par cet élève de ne pas pouvoir lire devant ses congénères est déjà un supplice inhumain que subit ce garçon ,parce-que son pays ne lui a pas donné la chance de se découvrir et de s'améliorer.Et puis je n'ai jamais été de nature à humilier mes élèves sauf par une inadvertance dont je m'excuse souvent sur le champs .
Son silence est un cri dans la nuit de l'ignorance contre toute personne qui aurait contribué de près ou de loin à l' y maintenir ,la tête bien enfoncée ,pour en faire ,au mieux de la chair à canon et au pire ,un de ces innombrables jeunes désœuvrés ,qui n'ont même pas le diplôme nécessaire pour manifester devant le parlement .Mais cela va sans dire que le fait d'insister sur l'institution scolaire ,il n'en demeure pas moins évident que ce garçon a une part de responsabilité dans cet handicap face à un texte écrit.C'est pourquoi d'ailleurs le niveau du style de l'auteur n'a qu'une importance moindre du moment que l'élève en question n'aurait pas pu ,non plus lire un texte quelconque .Cette marge de responsabilité est difficilement délimitable d'autant plus que les facteurs qui interviennent sont multiples .
J'ai pendant cette séance ,et devant le silence continu de mon élève ,puis de crainte que ce handicap ne provoque les moqueries des dernières rangées toujours prêtes à saisir l'occasion de s'esclaffer ,j'ai vite tiré un nouveau numéro et l'ai lancé ,mais qu'elle ne fut ma surprise lorsque le second interpellé demeura aussi silencieux que le premier ( suivre )
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