
Être Amazigh dans la logique de ces années là signifiait que tu étais marginal et pauvre et lorsque tu grandissais tu devenais comme ceux-là qui se rendaient au souk hebdomadaire en djellabas poussiéreuses, les yeux brillants et portant des turbans gris
Cela
voulait dire aussi que tu habitais les recoins d’une ville pauvre aux rues
misérables ,que tu étais un cancre à l’école et redoublais ta classe ,que le
prof d’arabe te torturais parce que tu ne prononçais pas les mots comme il
fallait ,et que tu allais précocement abandonner l’école pour devenir fellah,travailler
dans la maçonnerie ,ou encore conduire une charrette tirée par un baudet. Mais
si tu avais de la chance et poursuivais tes études, tu excellais en maths et
habitais à l’internat. A la récréation tu te blottissais dans un coin quêtant
un autre élève parlant ta langue pour murmurer quelques mots ou chantonner une
mélodie triste que personne ne pouvait comprendre. Etre Amazigh en ces temps là
ingrats signifiait que tu portais des chaussures en plastique dégageant une
odeur infecte qu’on appelait « chaussures dostour » pour des raisons ,sans
doute politiques, relatives au plan de crise qu’appliquait le pays du temps du
« redressement structurel ». Être Amazigh signifiait que tu devais vivre de thé
et de pain, que tes vêtements étaient rapiécés, que tu portais un tonneau et
allais le remplir à la fontaine .Être Amazigh dans notre imaginaire enfantin
déformé consistait à fumer à un âge précoce ,à passer chez les prostituées et à
boire du gros rouge à chaque fois qu’il y avait une noce dans la ville ,comme cela
consistait à adorer les chanteurs ,Rouicha ,Hadda Ouakki, le tambourin et les
Chikhates…Être Amazigh voulait dire que tu ne devais parler que rarement et à
mi-voix pour que personne ne te méprise, et renier tes origines, tes ancêtres
et ta langue pour ne pas être la risée de tous les élèves ,car les leçon
d’Histoire falsifiée nous ont appris que le Chleuh est débile …Comme ça sans
aucune raison.
Lorsque
je suis arrivé à l’université ,j’ai rencontré des étudiants aux différents
accents ,venus des quatre coins du pays ,et j’ai découvert finalement ,grâce
àeux ,que je suis Amazigh,même si je ne connaissais dans cette langue que «
aman », »aksoum », »aghroum » (respectivement :eau,viande,pain) …De même que
j’ai connu des étudiants aux mines graves qui ne parlaient que l’Amazigh ou le
Français ,détestent tout ce qui est Arabe et rêvent de l’Etat du grand «
Tamazgha » .Leurs songes m’ont fait sourire mais je les comprends ,étais et en
suis toujours solidaire …Peut-être mon ami Abaghous était-il l’un d’entre eux !
Texte
paru en Arabe dans le quotidien Al massae n° 1502 du 21-07-2011.
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